En 30 ans, le groupe Nvidia s’est hissé au sommet, devenant la première capitalisation boursière au monde, devant Microsoft, Apple et consorts. Vénérée par les gamers pour ses processeurs graphiques, la société californienne est désormais un acteur incontournable de la révolution «IA». Innovation, jeux vidéo et quasi-monopole, histoire d’un géant.
Aux États-Unis, la légende compte parfois plus que la réalité. Pour Nvidia, tout commence en 1993, à Santa Clara en Californie, sur les banquettes de Denny’s, une célèbre chaîne de fast-foods. Jensen Huang, fraîchement diplômé, y retrouve ses amis Chris Malachowsky et Curtis Priem. Ensemble, ils vont fonder un empire. Jensen, jeune taïwanais arrivé aux States à 9 ans, vient de quitter son job d’ingénieur chez AMD — futur éternel rival de Nvidia — et éprouve une «envie» (invidia en latin): révolutionner le graphisme des jeux vidéo. Ça tombe bien… À l’époque, Mario Bros est un tas de briques pixellisées, la PlayStation n’existe pas, les PC rament et la 3D s’apprête à réinventer le gaming. Bingo, le premier coup de maître de Huang!
Game changer
Force est de constater que Jensen Huang, encore et toujours CEO de Nvidia, a souvent eu le nez creux pour sentir et façonner le futur du numérique, jusqu’à dominer le marché. Malgré tout, les débuts de la société sont pénibles: leur première puce (NV1) est un four, menant presque au game over. Mais en 1999, Nvidia frappe un grand coup en sortant le tout premier GPU (unité de traitement graphique) au monde: le GeForce 256. Ce processeur graphique est un véritable game changer pour l’industrie du jeu vidéo. Cette période marque l’âge d’or des puces graphiques, les fabricants se multiplient, la demande explose. Mais Huang a encore un coup d’avance, comme souvent…
2006, année charnière
Visionnaire, le patron de Nvidia fait preuve d’une incroyable capacité d’anticipation. Dès 2006, devant des investisseurs sceptiques, il lance CUDA, un environnement logiciel qui permet de programmer les GPUs et d’exploiter leur puissance de calcul pour autre chose que le graphisme du gaming. Bingo, une fois de plus. Cette décision pionnière, rendue possible par des investissements massifs en R&D, inscrit la société sur la voie du succès. Les processeurs Nvidia commencent alors à être utilisés pour booster les supercalculateurs, avant de devenir des leviers essentiels pour l’avènement de l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, l’IA est partout; le monde de la tech s’arrache les systèmes Nvidia; Jensen Huang a encore réussi son pari…
Les raisons de la gloire
La stratégie de Nvidia repose sur plusieurs volets clés. Une incroyable capacité d’innovation, permettant de créer les tendances et de révolutionner le marché. De «simple» fournisseur de hardware au départ, la société de Santa Clara a également réussi à développer un écosystème logiciel complet autour de ses produits, vampirisant le marché et créant des barrières à l’entrée pour ses concurrents, notamment son rival AMD. En situation de quasi-monopole sur certains segments, le géant en profite pour imposer ses prix, mais aussi préempter les capacités de production des fonderies (entre autres, taïwanaises), qui sont un véritable enjeu pour ce secteur. Outre des partenariats stratégiques avec Microsoft ou OpenAI pour renforcer sa position dominante sur l’IA, Nvidia a toujours mené une politique d’acquisitions pour asseoir sa croissance.
Et demain?
Même sans boule de cristal, on peut dire que le futur de Nvidia est plus que prometteur, entre autres grâce au boom des IA génératives et du machine learning. Malgré tout, à force de régner sans partage, certains se verraient bien renverser le géant des GPUs… À commencer par AMD. Concurrent historique de Nvidia, fondé en 1969 et dirigé par Lisa Su, AMD vient d’annoncer une profonde mutation pour se transformer (aussi) en société technologique de logiciels. Trop tard? Pas sûr, car les prix «monopolistiques» pratiqués par Nvidia pourraient inciter des acteurs de l’IA à aller voir ailleurs. Certes, Nvidia a une belle longueur d’avance, mais pour combien de temps? À moins que le futur digital offre plusieurs places au soleil…