D’Archimède à Steve Jobs, de Nikola Tesla à Léonard de Vinci, de Galilée à Alan Turing, les grands «héros» de l’innovation sont encore et toujours des hommes. Biais historique ou reflet de siècles d’une société patriarcale? Force est de constater que, dans l’ombre, des femmes de talent sont à l’origine de créations révolutionnaires, parfois sans la reconnaissance méritée. Découvrez trois innovations «féminines» omniprésentes dans notre quotidien.
Le titre de cet article aurait pu être «trois femmes, trois inventions, zéro reconnaissance». Après des siècles d’invisibilité, notre époque a le mérite de réhabiliter le talent et les efforts de certaines femmes, à travers des films, des livres, etc. De Katherine Johnson, mathématicienne à la NASA, à Ada Lovelace, première programmeuse informatique, des visages féminins deviennent désormais des références historiques et culturelles. Mais l’Histoire regorge d’autres exemples du génie féminin. Qui n’a jamais joué au Monopoly, profité du Wi-Fi ou utilisé du Tipp-Ex? Si ces trois trouvailles impactent notre quotidien, combien de personnes connaissent le nom de leurs créatrices? Voici ces récits méconnus.
1. Le Monopoly: Elisabeth Magie «expropriée» de son propre jeu
Inspirée par le livre Progrès et pauvreté de l’économiste Henry George, Elisabeth Magie invente The Landlord’s Game (le jeu du propriétaire foncier) en 1902, avant de le breveter en 1903. Féministe avant l’heure, cette conceptrice de jeux et sténographe américaine veut proposer un moyen de s’amuser, tout en faisant passer un message: dénoncer la concentration des richesses et l’oppression des rentiers de l’immobilier sur les locataires. The Landlord’s Game est avant-gardiste et permet deux modes de jeu: dans la première, il faut coopérer pour gagner, alors que dans la seconde, le but est de dépouiller ses adversaires pour devenir ultrariche. Le Monopoly était né, déjà avec la célèbre case «Allez en prison».
Pourtant, si vous consultez l’histoire officielle du Monopoly, c’est Charles Darrow qui est cité comme son créateur, en 1935. Et pour cause, ce voisin d’Elisabeth Magie, chômeur à l’époque, découvre The Landlord’s Game, s’approprie le concept et change quelques règles. En peu de temps, il vend cette idée volée au géant Parker Brothers devient millionnaire, tandis que sa véritable inventrice ne reçoit que 500 dollars pour son brevet original. Aujourd’hui, le Monopoly reste un jeu de société phare, vendu à 275 millions d’exemplaires dans le monde, sans que jamais le nom d’Elisabeth Magie ne soit mentionné!
2. Le Wi-Fi: Hedy Lamarr rayonnait bien au-delà des écrans
Née en 1914 à Vienne, Hedy Lamarr a été l’une des plus grandes stars de cinéma. Véritable étoile du Hollywood des années 30 à 60, la «plus belle femme du monde» cachait une autre facette, celle d’une inventrice de génie. En effet, pendant la Seconde Guerre mondiale, la vedette du célèbre film Samson et Dalila travaille avec le compositeur George Antheil sur un système secret de communication pour torpilles. Cette technique permettait ainsi de brouiller les signaux radio et éviter leur interception par l’ennemi.
Resté dans l’ombre pendant des décennies, ce système visionnaire, breveté en 1942, n’est autre que l’ancêtre de «l’étalement de spectre par saut de fréquence», une méthode de transmission à la base des technologies sans fil modernes comme le Wi-Fi, le Bluetooth et le GPS. En 1997, trois ans avant sa mort, Hedy Lamarr reçoit enfin une reconnaissance officielle pour sa notable contribution scientifique.
3. Le Tipp-Ex: Bette Nesmith Graham liquide les fautes de frappe
Rien ne prédestinait Bette Nesmith Graham à figurer dans cet article sur les inventions au féminin. Mère célibataire, la jeune secrétaire travaillait dans une banque, au fin fond du Texas. Pourtant, son histoire est une ode aux principes de l’innovation. Comme ses collègues, Bette est confrontée à un problème quotidien: les nouvelles machines à écrire électriques de l’époque rendaient difficile la correction des erreurs. Au lieu de se résigner à retaper des pages entières à cause d’une petite erreur, la jeune femme se met en tête de trouver une solution.
En observant les peintres décorer les vitrines pour les fêtes, elle constate qu’ils masquent les erreurs avec une couche supplémentaire de peinture. Eurêka! Dans son garage, munie de son mixeur de cuisine, Bette Graham concocte une formule à base de peinture acrylique, qu’elle coule dans des flacons de vernis à ongles vides et qu’elle applique à l’aide d’un petit pinceau. Son «Mistake Out», rebaptisé «Liquid Paper» et ancêtre de la gamme de correcteurs liquides Tipp-Ex, rencontre rapidement le succès. En 1979, elle accepte de vendre son entreprise à Gillette pour 47,5 millions de dollars.